La basilique cathédrale Saint-Denis et l’histoire de France

La basilique cathédrale Saint Denis par Camille Corot

La basilique cathédrale Saint-Denis, nécropole royale, et lieu de sacres royaux, est indissociable de l’Histoire de France. Elle est dédiée à saint Denis, évêque missionnaire mort en 250, car elle fut construite au Ve siècle, à l’emplacement présumé de sa sépulture. 

L’histoire de saint Denis, plus tardive, nous est parvenue grâce aux écrits de l’abbé Hilduin de Saint-Denis. 

Sa fonction de nécropole des rois est en quelque sorte inaugurée par le roi Dagobert Ier (vers 602 - 638), roi mérovingien et arrière-arrière-petit-fils de Clovis, et le premier à y être enterré en 638. A partir de cette date et jusqu’au XIXe siècle, l’abbatiale de Saint-Denis accueillera la sépulture de 43 rois, de 32 reines et d'une dizaine de serviteurs de la monarchie. 

Elle devient ainsi le plus important ensemble de sculptures funéraires d’Europe. 

Ce qui lui valut le surnom de « cimetière aux Rois ». Marquée par les vicissitudes de l’histoire et les troubles de la Révolution, elle bénéficia de l’intérêt de Châteaubriant qui recommanda sa restauration à Napoléon Ier. A l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Paris, elle fut l’un des grands chantiers de restauration de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc. 

Aujourd’hui, le monument abrite près de 70 gisants et tombeaux nous racontant l’histoire des plus grandes dynasties françaises, Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens, et Bourbons (ces derniers, s’ils furent bien enterrés dans la basilique, n’ont pas eu d’effigies sculptées). Après la Révolution, qui provoqua l’exhumation et la dispersion des corps royaux, Louis XVIII fit rassembler les ossements dans un ossuaire de la crypte. 

La basilique cathédrale est un lieu exceptionnel où sont réunis, entre autres, Dagobert, Pépin le Bref, Anne de Bretagne, François Ier, Louis XVI et Marie-Antoinette, Henri II et Catherine de Médicis, tous placés sous la protection de saint Denis. 

Saint-Denis tient aussi une place à part dans l’Histoire de l’art puisque la basilique est considérée comme l’un des berceaux de l’art gothique, et ce chef-d’œuvre architectural, indissociable de la figure de l’abbé Suger, abrite un célèbre ensemble de vitraux dont certains remontent au XIIe siècle. 

L’origine de Saint-Denis

Prédication de saint Denis dans les Gaules, réalisé par le peintre Monsiau au IXè siècle

La basilique cathédrale de Saint-Denis porte le nom de saint Denis, un évêque martyr du IIIe siècle, vénéré comme un des saints patrons de la France. Selon la tradition, Denis fut envoyé de Rome en Gaule pour évangéliser la région.

Considéré comme le premier évêque de Paris, il s'engage au IIIe siècle activement dans sa mission d’évangélisation et de christianisation. Cependant, pendant les persécutions des chrétiens sous l'empereur romain Dèce, Denis fut arrêté et subit le martyre aux alentours de l'an 250.

Saint Denis est célèbre pour le miracle qui lui est associé après sa décollation (terme utilisé pour la décapitation des saints). 

L'histoire de saint Denis céphalophore, c'est-à-dire porteur de sa propre tête, est l'une des plus fascinantes et symboliques dans la chrétienté. Sa mission d'évangélisation dans la région parisienne, à une époque où le christianisme était encore perçu comme une menace par l'Empire romain, l'a conduit à un destin tragique mais miraculeux.

Après avoir été arrêté sous l'ordre de l'administration romaine, saint Denis est martyrisé sur la colline de Montmartre, qui signifie la montagne du martyr. La légende raconte qu'après sa décollation, il ramassa sa tête coupée et se mit à marcher vers le Nord, sur plusieurs kilomètres, prêchant un sermon tout au long du chemin. Ce périple extraordinaire s'est terminé là où il s'est finalement effondré, l'endroit qui deviendra donc plus tard le site de la basilique de Saint-Denis.

Cette histoire extraordinaire a renforcé son statut de martyr et de saint, et a contribué à l'importance de la basilique en tant que lieu de culte et de pèlerinage. Saint Denis est souvent représenté dans l'art portant sa propre tête, un symbole de sa foi et de son martyre.

Ce récit de saint Denis céphalophore et sa représentation iconographique ont marqué profondément la spiritualité chrétienne, comme un symbole puissant de foi, de résilience et de miracle. Cette légende a également consolidé la réputation de la basilique de Saint-Denis comme un lieu sacré, renforçant son importance en tant que site de pèlerinage et de dévotion religieuse.

La construction de la basilique de Saint-Denis

La Basilique Saint-Denis au XIXe siècle

Origines et première église (Ve siècle) : la construction de la première église remonte au Ve siècle. Elle a été érigée à l'endroit où saint Denis aurait été enterré, marquant le début de l'importance religieuse du site.

Première reconstruction (VIIe - VIIIe siècle) : sous l'impulsion de Dagobert Ier, roi des Francs, l'église originelle fut reconstruite au VIIe siècle. Ce roi y fut inhumé, établissant ainsi la tradition des sépultures royales en ce lieu.

Construction de l’abbatiale gothique (XIIe siècle) : au XIIe siècle, l'abbé Suger, conseiller des rois Louis VI et Louis VII, entreprit une reconstruction majeure. Inspiré par les nouvelles idées architecturales, notamment le style gothique naissant, Suger transforma l'ancienne église carolingienne en une basilique majestueuse.

Les travaux commencèrent en 1137 avec la reconstruction du chœur, utilisant des éléments gothiques tels que les arcs-boutants, de grandes fenêtres vitrées et des voûtes sur croisées d'ogives.

Achèvement et modifications (XIIIe - XIVe siècle) : après la mort de Suger, le chantier suivit son cours. Le XIIIe siècle vit l'achèvement de la façade ouest et le début du XIVe siècle est marqué par la fin des principaux travaux , avec des ajouts et modifications qui ont continué de façon intermittente.

Détérioration et restauration (XVIIIe - XIXe siècle) : la Révolution française fut une période sombre pour la basilique, avec sa désacralisation, le pillage et la destruction de nombreuses tombes royales. Au XIXe siècle, l'architecte Viollet-le-Duc fut chargé de restaurer et de reconstruire des parties de la basilique, notamment sa flèche, dans le cadre d'un mouvement plus large de restauration des monuments historiques français.

Restaurations modernes et préservation (XXe - XXIe siècle) : les efforts de restauration et de conservation se sont poursuivis tout au long du XXe siècle et continuent aujourd'hui, afin de préserver l'importance historique, architecturale et religieuse de cette basilique emblématique. Ces travaux comprennent la réparation des dommages structurels, la conservation des vitraux et la restauration des détails architecturaux.

La basilique de Saint-Denis, avec son histoire riche et complexe, est non seulement un monument clé de l'architecture gothique, mais aussi un témoin important de l'histoire de France.

Pourquoi une seule tour à la basilique de Saint-Denis ? Où est passée la flèche nord ? 

Abbaye de Saint-Denis avant et après l'incendie de la Flèche

La présence d'une seule tour à la basilique de Saint-Denis est le résultat de projets inachevés et des vicissitudes historiques. Lorsque l'abbé Suger entreprend la reconstruction de la basilique au XIIe siècle, son projet prévoit deux tours à la façade occidentale, conformément au style architectural gothique de l'époque.

La conception originale propose une symétrie avec deux tours flanquant le portail principal, reflétant l'ambition de Suger de créer un édifice majestueux et harmonieux. La flèche nord est élevée quelques décennies plus tard, entre 1190 et 1230, et culmine à près de 90 mètres de haut (en comptant la croix sommitale).

Les constructions ultérieures contre les maçonneries de la nef et le rehaussement du niveau de sol de la nef aux XVIIIe et XIXe siècles ont considérablement fragilisé la tour nord. La foudre en 1837 et un ouragan en 1845 finissant de la déstabiliser : la tour nord et sa flèche sont démontées, restaurées puis remontées et démontées de nouveau par Viollet-le-Duc. Elles ne seront jamais reconstruites.

Aujourd'hui, la présence d'une seule tour donne à la basilique de Saint-Denis un aspect unique et symbolise les défis historiques auxquels l'édifice a fait face. Elle rappelle également les ambitions inachevées et les changements constants dans les grands projets de restauration du XIXe siècle.

En somme, la tour unique de la basilique de Saint-Denis est un mélange de circonstances historiques et de priorités architecturales qui reflètent la complexité et la richesse de l'histoire de ce monument emblématique. Le projet de reconstruction de la tour et de sa flèche est prévu pour l’année 2024.

Qui était l'abbé Suger ?

Peinture de l'abbé Suger

L'abbé Suger (1081-1151) est un ecclésiastique français, conseiller de rois, qui joua un rôle central dans l'histoire de la basilique de Saint-Denis et dans le développement de l'architecture gothique. Né dans une famille modeste, orphelin à un jeune âge, il est élevé à l'abbaye de Saint-Denis. Il y fait ses études et gravit rapidement les échelons ecclésiastiques, devenant abbé de Saint-Denis en 1122.

Suger est un conseiller influent auprès des rois Louis VI et Louis VII. Il joua un rôle crucial dans les affaires politiques du royaume, servant comme diplomate et administrateur. Sa position à la cour lui permit de sécuriser des fonds et un soutien pour ses projets à Saint-Denis.

L'œuvre la plus marquante de Suger fut la reconstruction de la basilique de Saint-Denis. Il initia les travaux en 1137, avec l'ambition de créer un édifice reflétant la grandeur et la spiritualité. Il est souvent crédité d'avoir été l'un des premiers à incorporer des éléments architecturaux qui deviendront caractéristiques du style gothique, notamment l’intégration de la lumière dans la conception de l’église, de grandes fenêtres vitrées, d'arcs-boutants, et de voûtes sur croisées d'ogives.

Suger croyait en la capacité de l'art et de l'architecture de rapprocher les fidèles du divin. Son approche architecturale, appréhendant la lumière et l'espace de manière innovante, visait à créer une expérience spirituelle transcendante pour les croyants.

L'abbé Suger est considéré comme un des pères de l'architecture gothique, son approche ayant influencé de nombreux édifices religieux en Europe. Sa vision et son influence ont dépassé le cadre de Saint-Denis, marquant profondément l'art, l'architecture et la culture du Moyen-Âge.

L'abbé Suger fut un homme d'Église visionnaire, un conseiller royal habile, et un pionnier de l'architecture gothique.

Les sacres à Saint-Denis

Le sacre de Marie de Médicis le 13 mai 1610

La basilique de Saint-Denis est connue pour être le lieu de sépulture des rois et reines de France, mais elle a également joué un rôle important dans les cérémonies du sacre de nombreuses reines, alors que les cérémonies de couronnement des rois de France se déroulaient généralement à la cathédrale de Reims. 

Parmi les reines sacrées à Saint-Denis, on peut citer :

Anne de Kiev, épouse du roi Henri Ier, couronnée en 1051.

Bertrade de Montfort, épouse de Philippe Ier, couronnée en 1097.

Adélaïde de Savoie, épouse de Louis VI, couronnée en 1115.

Aliénor d'Aquitaine, couronnée deux fois, d'abord en 1137 comme épouse de Louis VII, puis en 1152 comme épouse d'Henri II d'Angleterre.

Isabelle de Hainaut, première épouse de Philippe II, couronnée en 1180.

Ingeburge de Danemark et Agnès de Méranie, épouses successives de Philippe II, couronnée en 1193 et 1200 respectivement.

Blanche de Castille, épouse de Louis VIII, couronnée en 1223 et régente influente pendant la minorité de son fils Louis IX.

Marguerite de Provence, épouse de Louis IX, couronnée en 1234.

Isabelle d'Aragon, épouse de Philippe III, couronnée en 1271.

Jeanne d'Évreux, troisième épouse de Charles IV, couronnée en 1326.

Ces cérémonies reflétaient l'importance politique et symbolique des reines dans la monarchie française, leur sacre à Saint-Denis renforçant leur statut et leur légitimité. Les sacres des reines à Saint-Denis étaient des événements importants, mêlant rituel, politique et spectacle, et contribuaient à la renommée et à la signification de la basilique dans la vie politique et spirituelle de la France médiévale et de l'Ancien Régime.

Ils ont été enterrés à Saint-Denis

Funérailles du Roi Dagobert

La basilique de Saint-Denis est célèbre pour être la nécropole des rois de France. Au fil des siècles depuis la sépulture du roi Dagobert en 639 , un grand nombre de rois, reines, princes et autres membres de la noblesse y ont été inhumés - 43 rois, 32 reines et une dizaine d’aristocrates. Bien que la liste complète soit assez longue, voici quelques-uns des rois de France les plus notables qui y ont été enterrés :

Dagobert Ier (602-639), le premier roi à être enterré à Saint-Denis.

Pépin le Bref (714-768), premier roi de la dynastie carolingienne.

Louis VII (1120-1180), dont le règne marque une période importante pour Saint-Denis, notamment avec les travaux de l'abbé Suger.

Philippe II, dit Philippe Auguste (1165-1223), un roi majeur du Moyen Âge, associé à l'essor du royaume capétien.

Saint Louis (Louis IX) (1214-1270), roi canonisé, connu pour sa piété et sa justice.

Philippe IV, dit Philippe le Bel (1268-1314), connu pour son conflit avec le pape et les Templiers.

Charles V, dit Charles le Sage (1338-1380), qui a marqué son époque par son intérêt pour la culture et les arts.

Louis XI (1423-1483), connu pour avoir renforcé l'autorité royale.

François Ier (1494-1547), roi emblématique de la Renaissance française.

Henri II (1519-1559) et ses successeurs, représentant la dynastie des Valois.

Henri IV (1553-1610), premier roi de la branche Bourbon, célèbre pour l'édit de Nantes.

Louis XIV (1638-1715), "Roi-Soleil", symbole de l'absolutisme monarchique.

Louis XV (1710-1774) et Louis XVI (1754-1792), derniers rois enterrés à Saint-Denis avant la Révolution.

Parmi les reines, princes et autres nobles enterrés à Saint-Denis, il faut compter également des figures telles que Catherine de Médicis, Anne d'Autriche, et le dauphin Louis, fils de Louis XV.

La Révolution française mena à la profanation de nombreuses tombes en 1793. Beaucoup de sépultures ont été restaurées ou reconstruites au XIXe siècle sous la direction de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, celui-là même qui officia à la cathédrale Notre-Dame de Paris. La basilique de Saint-Denis demeure un lieu emblématique de l'Histoire de France, symbolisant à la fois la grandeur et la fragilité de la monarchie française.

Et en exclusivité avec Whart,

toutes les clefs, tous les repères pour mieux vous situer :
recevez gratuitement le livre blanc Whart :

100 périodes, styles et mouvements artistiques
Finger Télécharger