La Sainte Anne, l'autre chef-d'œuvre de Léonard de Vinci
Lorsque l'on évoque Léonard de Vinci, le premier tableau qui vient à l'esprit est incontestablement la célèbre Joconde, icône universelle de l'art occidental.
Cependant, au Louvre, dans l'ombre de cette œuvre emblématique se trouve une autre création, La Sainte Anne de Léonard de Vinci.
Bien que moins médiatisée, cette toile est un véritable chef-d'œuvre.
Ce tableau fut très probablement commencé vers 1503, à Florence, puis conservé par Léonard de Vinci, pour en poursuivre lentement l'exécution, toujours inachevée en 1519, année du décès de l’artiste ; l'œuvre fut sans doute acquise par François Ier en 1518.
La « Sainte Anne Trinitaire » est un thème iconographique chrétien dans lequel sont représentés l'Enfant Jésus, la Vierge Marie et la grand-mère de l’enfant, mère de Marie, Anne.
Penchons-nous sur la proposition de ce thème exploité par le grand maître Léonard de Vinci :
La Vierge, à l’Enfant Jésus et à sainte Anne, plus communément appelée La Sainte Anne.
Il s’agit d’une huile sur bois réalisée entre 1503 et 1519.
Ce tableau mesure 168,4 cm de hauteur pour 130 cm de largeur et il est exposé au musée du Louvre à Paris.
Voyez comment le célèbre peintre apporte un regard, une vision qui diffère des versions classiques résultant d’une réflexion de plusieurs années sur ce thème.
Léonard dans son cheminement
Abordons l’œuvre d’un point de vue plastique et matériel : le format du tableau est rectangulaire, en portrait, donc plutôt commun, surtout pour Léonard, ce qui est généralement le cas pour représenter cette iconographie où la lecture se fait du haut vers le bas. Pour ce qui est du cadrage, ici, Léonard centre son œuvre sur la scène, tout en laissant une place importante au paysage : sa marque de fabrique !
Le tableau est centré sur les trois personnages entremêlés de l’Enfant Jésus, de la Vierge Marie et de sainte Anne, sans oublier l’agneau que Jésus semble retenir. Léonard s’est aussi attardé, comme à son habitude, aux corps et aux tissus, la réalité anatomique.
Autour d’eux, le cadre spatio-temporel est posé : ils semblent être sur les rives d’une rivière que l’on voit sur la partie droite du tableau et qui va jusqu’aux pieds de sainte Anne. En arrière-plan de la scène, c’est un paysage grandiose de montagnes. Il est facile d’attribuer ce tableau à Léonard de Vinci, quand on reconnaît en arrière-plan ces paysages brumeux, sa célèbre technique légère et naturelle du sfumato.
Ce tableau de De Vinci est le fruit d’une réflexion de vingt ans de l’artiste autour du thème de la « Sainte Anne Trinitaire ». Vingt ans pendant lesquels il va chercher à perfectionner cette composition. Il s’agit sans doute de son œuvre la plus aboutie, bien que l’artiste soit mort avant de pouvoir la « finir ».
Les chercheurs ont donc analysé de façon chronologique les différents cartons qui ont servi à la réaliser : ils ont pu découvrir le cheminement qu’a pu avoir De Vinci lors de sa longue réalisation. Le premier étant le Carton de Burlington House, dans lequel le peintre introduit saint Jean Baptiste dans la scène, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Par la suite, il va disparaître au profit d’un agneau. Le cadrage évolue également en passant d’un mode horizontal à un mode vertical, pour aboutir finalement à une composition plutôt pyramidale en reprenant ses premières idées. Le maître va à l’encontre des compositions italiennes classiques de ce thème qui reprennent le schéma byzantin, c’est-à-dire une construction horizontale avec les personnages qui suivent cette ligne.
Le mouvement dans l'œuvre, un destin est en marche
Le mouvement dans cette œuvre a beaucoup été commenté, car il est d’une complexité rarement égalée. En effet, il est le fruit de vingt ans de réflexions. Si le mouvement semble pyramidal, on ne peut pas pour autant s'arrêter à ce simple constat.
D’ailleurs, il serait peut-être préférable de parler de dynamique insufflée par la figure de l'agneau semblant attirer Jésus. Par ce geste, l’enfant descend des genoux de sa mère. Cette dynamique est accentuée par les gestes des protagonistes tendant les bras vers cet agneau.
La filiation familiale est matérialisée par la superposition de Marie et de sainte Anne : le bras de Marie part de l’épaule de sainte Anne et finit son mouvement vers le ventre de Jésus, et unit alors organiquement les trois protagonistes. De Vinci semble vouloir mêler les corps, en particulier celui de la Vierge Marie et de sa mère, pour décomposer un même mouvement. Pour Daniel Arasse, historien de l’art spécialiste de la Renaissance, cette composition forme « un ensemble organique vivant, saisi dans le moment de sa transformation, dans un état de séparation retenue ».
Ce mouvement a pour but de figurer le destin du Christ, et ce grâce à la représentation de cet agneau, innocent et sacrificiel. L’Enfant Jésus joue avec ce dernier, il est en train de descendre vers le sol et de quitter les genoux de sa mère. En faisant cela, il fait accepter à sa mère son destin tragique tout en la prenant à témoin.
De Vinci nous montre que Jésus sait ce qui l’attend, il montre à sa mère qu’il est prêt et qu’il l’accepte, même si le regard qu’il lui adresse vers elle traduit son besoin d’approbation. Jésus va donc prendre l’agneau par le cou, comme il prend son destin en main, puis quitter sa mère elle-même sur les genoux de sa propre mère Anne. Le génie de De Vinci nous montre en une seule image, la généalogie, la naissance et le départ de Jésus.
Les vingt ans de réflexions de De Vinci nous livrent un tableau dont le mouvement traduit un moment clé : le moment où la Vierge accepte le destin tragique de son fils, le tout ancré dans une « Sainte Anne Trinitaire ». Avec l’introduction du mouvement dans cette scène à l’iconographie pourtant très établie, Léonard réussit à nous figurer toute la complexité de ce moment, et révolutionne le genre, entre scène d’intimité familiale, d’amour maternel et préfiguration de la Passion du Christ, épisode fondateur du Nouveau Testament.
Tous les tableaux de Léonard de Vinci
●Le Baptême du Christ, 1472 – 1475, Galerie des Offices, (Florence) Italie
●L'Annonciation, 1472 – 1475, Galerie des Offices, (Florence) Italie
●Ginevra de' Benci, vers 1476, National Gallery of Art (Washington, D.C.) États-Unis
●La Madone à l'œillet, 1478 – 1480, Alte Pinakothek (Munich) Allemagne
●Madonna Benois, 1478 – 1482, Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) Russie
●Saint Jérôme, 1480 – 1482, Musées du Vatican (Rome) Vatican
●L'Adoration des mages, 1481, Galerie des Offices (Florence) Italie
●La Vierge aux rochers, 1483 – 1486, Musée du Louvre (Paris) France
●La Dame à l'hermine, 1488-1490, Musée Czartoryski (Cracovie) Pologne
●Portrait de musicien, 1490, Pinacothèque Ambrosienne, (Milan) Italie
●La Belle Ferronnière, 1490 – 1496, Musée du Louvre (Paris) France
●La Cène, 1495 – 1498, Santa Maria delle Grazie (Milan) Italie
●La Vierge aux rochers, 1495 – 1508, National Gallery (Londres) Angleterre
●La Madone aux fuseaux, vers 1501, Collection privée État unis
●La Vierge à l’enfant, vers 1501, Collection privée Ecosse
●La Joconde, 1503 – 1506, Musée du Louvre (Paris) France
●La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, 1503 – 1519, Musée du Louvre (Paris) France
●Saint Jean Baptiste, 1513 – 1516, Musée du Louvre (Paris) France
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